Grande Mosquée de Paris

Description

La Grande Mosquée de Paris est une mosquée française de style mauresque avec un minaret de 33 mètres. Elle est située 6, rue Georges-Desplas dans le quartier du Jardin-des-Plantes du 5e arrondissement de Paris. La mosquée, inaugurée le , a été fondée par Si Kaddour Benghabrit. Elle a une place symbolique importante pour la visibilité de l'islam et des musulmans en France. Elle est la plus vieille mosquée en France métropolitaine.

Historique

La genèse du projet

L’histoire de la Mosquée de Paris est liée à la colonisation.

Un premier projet de mosquée à Paris « dans le quartier Baujon en 1842, puis la relance d’intentions similaires à l’ambassade marocaine en 1878 et 1885 » sont attestés.

En 1846, la Société orientale propose un projet de construction « à Paris, puis à Marseille, [d’]un cimetière, [d’]une mosquée et [d’]un collège musulmans ». « Aux motifs philanthropiques, s’ajoutent des raisons politiques (la conquête et la pacification de l’Algérie), mais également religieuses car les musulmans sont estimés plus proches du christianisme romain que ne le sont les juifs. » La réaction négative du ministère de la Justice et des Cultes, qui débat avec le Quai d’Orsay, enterre le projet pour dix ans.

La première « mosquée » au Père-Lachaise

« L’ambassade ottomane à Paris [est] […] à l’origine de l’arrêté préfectoral du 29 novembre 1856 qui délimita un enclos spécial réservé aux inhumations de musulmans dans la 85e division du cimetière de l’Est parisien, dit du Père-Lachaise. »

« L’enclos aurait mesuré environ 800 m2. […] On y éleva un édifice, appelé « mosquée », pour abriter la toilette mortuaire et la prière aux défunts. Ce fut ainsi la première mosquée aménagée sur le territoire parisien et non pas la première en Europe de l’Ouest depuis la disparition des musulmans du sud de la France au ixe siècle, car une première mosquée a longtemps été utilisée à Marseille dans l’enceinte du « cimetière des Turcs » (détruite pendant la Révolution). »

Le cimetière abrita d’abord les sépultures des Ottomans morts en France. Peu utilisé, en 1883, il a été rétréci. Le bâtiment se délabra. « Le gouvernement ottoman décida de financer sa reconstruction et son extension. » En 1914, un projet architectural est proposé ; un édifice plus important avec un dôme et des caractéristiques « islamiques » affirmées. La Première Guerre mondiale empêcha la réalisation de ce projet. « En 1923, la commission interministérielle des affaires musulmanes discuta des travaux à exécuter au cimetière musulman du Père-Lachaise. Elle conclut à l’inutilité d’édifier une mosquée dans cette nécropole, puisque l’on en bâtissait une dans « le quartier du Jardin des plantes4. »

Le projet de 1895

Un premier projet de mosquée est envisagé sans succès en 1895 par le comité de l'Afrique française animé par Théophile Delcassé, Jules Cambon, le prince Bonaparte et le prince d'Arenberg. Un article de La Presse du 12 janvier 1896 est pourtant encore optimiste concernant ce projet de mosquée qui aurait dû être construite sur le quai d'Orsay avec le soutien financier du sultan de Constantinople, du vice-roi d'Égypte et du sultan du Maroc, notamment7.

Le journaliste Paul Bourdarie justifie la construction de la Mosquée de Paris dans le journal La Revue indigène :

« Une telle proposition ne pouvait être oubliée et disparaître. Elle correspond trop bien à la politique que la France se doit à elle-même de suivre envers ses fils musulmans, et qui doit se traduire tantôt en actes d’équité politique ou administrative et tantôt en gestes de sympathie ou de bienveillance. Dès sa fondation en 1906, La Revue indigène avait mis dans ses plans de reprendre ce projet dès que seraient réalisées les réformes qu’elle se proposait de préconiser et de faire aboutir. Les membres de la délégation musulmane algérienne venue à Paris en 1912 : MM. le Dr Benthami, Dr Moussa, Mokhtar Hadj Saïd, avocat, etc., se rappellent que la question fut abordée à ce moment au cours des réunions qui eurent lieu au siège de La Revue indigène. Entre temps, M. Christian Cherfils, islamophile, auteur d'un ouvrage connu sur Napoléon et l’islam, préconisait de son côté l’érection d'une mosquée à Paris. D’autres, sans doute, entrevoyaient la même construction comme désirable et possible. »

Bourdarie évoquait, dans son article, la contradiction de l’alliance avec l’Angleterre qui travaillait à dominer les pays à majorité musulmane alors que l’intérêt français était de rester « l’amie du Turc selon le vœu de François Ier et de Soliman le Magnifique » et de garder « son rôle de puissance musulmane arabe ».

La Revue indigène, comme le projet de mosquée à Paris visait à ce que les citoyens français sachent « accorder dans leur esprit et dans leur cœur l’amour de leur patrie et le respect de l'islam ».

C'est pourquoi Bourdarie n’avait cessé de faire pression et de faire partager son projet et avait entrepris de longues démarches qui finirent par trouver l’oreille du gouvernement de l’époque.

Bourdarie confie dans son journal :

« En mai et juin 1915, j’entrais en relations suivies avec un architecte, élève de Girault, de l’Institut, M. E. Tronquois. Nos causeries roulant fréquemment sur l’islam et le rôle des musulmans français sur les champs de bataille, M. Tronquois émit un jour l'opinion que le véritable monument commémoratif de leur héroïsme et de leurs sacrifices serait une mosquée. J’expliquai à M. Tronquois les faits et les points de vue précédemment évoqués et nous résolûmes de nous mettre au travail aussitôt. Et ce fut dans l'été 1916 qu’un certain nombre de musulmans habitant Paris et d’amis des musulmans se rencontrèrent à plusieurs reprises au siège de La Revue indigène pour examiner et, au besoin, critiquer les esquisses de l’architecte. Je puis nommer : l'émir Khaled, venant du front et de passage à Paris ; le DrBenthami ; le muphti Mokrani ; le Dr Tamzali et son frère ; Halil Bey ; Ziane ; le peintre Dinet ; la comtesse d’Aubigny ; Lavenarde ; Christian Cherfils, A. Prat, député, etc. À la suite de ces réunions, un comité fut constitué, dont la présidence fut offerte à M. É. Herriot, maire de Lyon, sénateur, et la vice-présidence à MM. Lucien Hubert, sénateur, Bénazet Marin et Prat, députés et A. Brisson, directeur des Annales politiques et littéraires. La commission interministérielle des Affaires musulmanes, saisie du projet par M. Gout, ayant donné son approbation, et M. Pichon, ancien ministre des Affaires étrangères, son patronage, le projet fut apporté directement à M. Briand, président du Conseil qui approuva. »

Paul Bourdarie est le véritable père du projet de la Mosquée de Paris, il a travaillé inlassablement à la réalisation de ce projet.[réf. nécessaire] Le premier concepteur du projet est l'architecte Maurice Tranchant de Lunel, qui a été directeur des Beaux-Arts sous Lyautey (1912 à ?) — M. Tranchant de Lunel ami de R. Kipling, de C. Farrère, de la reine Élizabeth de Belgique.

Construction

La décision de construire la Mosquée de Paris, première mosquée construite en France métropolitaine, se concrétise après la Première Guerre mondiale pour rendre hommage aux dizaines de milliers de morts de confession musulmane qui avaient combattu pour la France. Cette décision remonte plus précisément au lendemain de la bataille de Verdun lorsque la Société des Habous, association créée spécialement à cet effet en 1917, est chargée de construire la mosquée.

Financée par l'État français (loi du 19 août 1920 qui accorde un crédit de 500 000 francs pour la construction d'un Institut Musulman regroupant une mosquée, une bibliothèque et une salle d'étude et de conférences), elle est bâtie sur l'emplacement de l'ancien hôpital de la Pitié et voisine du Jardin des plantes de Paris. La première pierre est posée en 1922. Les travaux sont réalisés par Robert Fournez, Maurice Mantout et Charles Heubès d'après les plans de Maurice Tranchant de Lunel.

Elle est inaugurée le 16 juillet 1926, en présence du président Gaston Doumergue et du sultan du Maroc Moulay Youssef. Doumergue célèbre alors l’amitié franco-musulmane scellée dans le sang sur les champs de bataille européens et affirme que la République protège toutes les croyances. La veille de l'inauguration, Messali Hadj tient le premier meeting de l'Étoile nord-africaine, et critique cette « mosquée-réclame ». Le financement public de la mosquée indigne de nombreux catholiques français, qui y voient un traitement préférentiel.

Inspirée de la mosquée el-Qaraouiyyîn de Fès (une des plus importantes mosquées du Maroc et une des plus anciennes au monde), toute sa partie décorative et en particulier les zelliges est confiée à des artisans spécialisés d'Afrique du Nord avec des matériaux traditionnels. Le minaret de 33 m de hauteur est inspiré par la mosquée Zitouna, en Tunisie.

La grande porte de la Mosquée de Paris est ornée de motifs floraux stylisés dans le plus pur style islamique.

La mosquée, sur un terrain de 7 500 m2, rassemble :

  • une salle de prière décorée par plusieurs influences du monde musulman ;
  • une madrassa (école) ;
  • une bibliothèque ;
  • une salle de conférence ;
  • des jardins arabes d'une superficie totale de 3 500 m2;
  • des annexes : restaurant, salon de thé, hammam et boutiques.

La mosquée, ainsi que le centre islamique, ont été inscrits sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques par arrêté du 9 décembre 1983. L'édifice reçoit également le label « Patrimoine du xxe siècle ».

La Mosquée de Paris peut accueillir 1 000 personnes, autorise l'accès aux femmes et dispose de salles d'ablutions ainsi que d'un accès pour handicapés.

Seconde Guerre mondiale

Dans un documentaire, Derri Berkani rapporte que durant la Seconde Guerre mondiale, et l'occupation de la France par l'Allemagne nazie, la Mosquée de Paris sert de lieu de résistance pour les musulmans vivant en France. Les Algériens du Francs-tireurs partisans (FTP) avaient pour mission de secourir et de protéger les parachutistesbritanniques et de leur trouver un abri. Bâtie sur des caves, la mosquée permettait de rejoindre la Bièvre discrètement. Les FTP ont par la suite porté assistance à des familles juives, des familles qu’ils connaissaient, ou à la demande d’amis, en les hébergeant dans la mosquée, en attente que des papiers leur soient fournis pour se rendre en zone libre ou franchir la Méditerranée pour rejoindre le Maghreb. Le docteur Assouline a comptabilisé 1 600 cartes alimentaires (une par personne) qu’il avait fournies à la Mosquée de Paris pour les juifs qui y avaient trouvé refuge.

Les chiffres concernant le nombre de juifs hébergés et sauvés par la Mosquée de Paris durant cette période divergent selon les auteurs. Annie-Paule Derczansky, présidente de l'association des Bâtisseuses de paix, précise que « selon Albert Assouline, qui témoigne dans le film de Berkani », 1 600 personnes auraient été sauvées. Au contraire, pour « Alain Boyer, ancien responsable des cultes au ministère de l'Intérieur français, on serait plus proche de 500 personnes ».

Un appel à témoin de juifs sauvés par la Mosquée de Paris entre 1942 et 1944 a été lancé le 3 avril 2005 pour que la médaille des Justes soit remise par le mémorial de Yad Vashem aux descendants du recteur de la Mosquée de Paris Si Kaddour Benghabrit qui aurait sauvé la vie d’une centaine de juifs, dont celle du chanteur Salim Hilali, en leur faisant donner par le personnel administratif de la mosquée des certificats d’identité musulmane, qui leur permirent d’échapper à l’arrestation et à la déportation.

Serge Klarsfeld, président de l‘association des filles et des fils de déportés juifs de France, est plutôt sceptique sur le chiffre de 1 500 juifs sauvés et précise que « sur les 2 500 membres de notre association », il « n'en a jamais entendu parler ». Il considère toutefois la « démarche de lancer un appel à témoins » entreprise par l'association des Bâtisseuses de paix comme « positive ».

Le réalisateur franco-marocain Ismaël Ferroukhi a mis en scène dans un long métrage intitulé Les Hommes libres l’histoire méconnue des résistants musulmans de la Seconde Guerre mondiale avec Tahar Rahim et Michael Lonsdale comme acteurs principaux.

Ce film a été critiqué par les historiens Michel Renard et Daniel Lefeuvre, qui le considèrent comme peu rigoureux.

Aujourd'hui

La Mosquée de Paris fait office de mosquée mère des mosquées françaises sous la direction de Dalil Boubakeur, recteur depuis 1992. En 1994, Charles Pasqua, alors ministre de l'Intérieur chargé des cultes, accorde à la Grande Mosquée de Paris l'autorisation de labelliser le halal.

Le 12 décembre 2011, les travaux de construction d’une toiture amovible couvrant le grand patio face à la salle de prière de la Mosquée de Paris ont été lancés lors d’une cérémonie officielle. Cette importante réalisation, très attendue depuis de nombreuses années par l’ensemble des fidèles de la mosquée pour se protéger des intempéries marque un tournant dans sa conception en 1922-1926.

En décembre 2013, le collectif Les Femmes dans la Mosquée exige de la direction de pouvoir prier dans la même salle que les hommes, après en avoir été exclues et reléguées à l'entresol. Pour la porte parole du mouvement Hanane Karimi : « Ce qu’il s’est passé reflète l’organisation de la communauté musulmane à certains endroits aujourd’hui, les femmes n’y ont pas de place, elles sont devenues invisibles. ».

Statut juridique

Depuis 1921, la mosquée est régie par la Société des habous et lieux saints de l'islam, une association de type loi 1901, propriétaire de l'édifice à la suite d'une donation de la ville de Paris. Le ministre de l'Intérieur Gaston Defferre retire dans les années 1980 la tutelle de la mosquée du ministère et de la ville de Paris, ce qui permet depuis à l'Algérie de financer un tiers du budget de la mosquée (en 2015, le budget total est de 1,8 million d'euros). Si la mosquée est juridiquement indépendante, elle reste religieusement et culturellement liée à l'Algérie, qui exerce un droit de regard non écrit sur la nomination de son recteur.

Halal : contrôle et traçabilité

L’Institut musulman de la Grande Mosquée de Paris, en partenariat avec la Société française de contrôle de la viande halal (SFCVH), est un organisme religieux agréé pour habiliter des sacrificateurs autorisés à pratiquer l'abattage rituel selon le Décret du 15/12/1994 du Ministère de l'agriculture. L’Institut musulman de la Grande Mosquée de Paris exerce les prérogatives religieuses en matière de sacrifice rituel islamique pendant que la SFCVH se charge des aspects techniques, administratifs et commerciaux, du contrôle et de la certification des procédés d'abattage tels que l’électronarcose, l'abattage par Atmosphère Contrôlée.

Visites

La mosquée est ouverte à la visite touristique tous les jours de l'année (sauf le vendredi), hormis les salles de sermons des imams, de lecture du Coran, de prières et de médiations réservées aux pratiquants de l’islam. La visite est gratuite pour les musulmans et payante pour les non-musulmans* 1. Toutefois, les visiteurs musulmans sont invités à déposer de l’argent dans une urne pour la zakât.

La mosquée intègre également un restaurant traditionnel « Aux Portes de l'Orient » de cuisine des pays du Maghreb (tajine, couscous…), salon de thé (thé à la menthe, loukoum, pâtisserie, narguilé, etc.), hammam (non mixte : exclusivement réservé aux femmes), boutiques d’objets traditionnels arabes, ouvert au grand public toute l'année.

La mosquée de Paris est accessible par la ligne 7 du métro de Paris aux stations Place Monge (Jardin des plantes) et Censier - Daubenton ainsi que par plusieurs lignes de bus RATP (47 67, 89).

source https://fr.wikipedia.org/wiki/Grande_Mosqu%C3%A9e_de_Paris

Adresse


Paris
France

Lat: 48.841842651 - Lng: 2.355171919