Description
La citadelle de Kowloon (sinogrammes : 九龍城寨 / 九龙城寨), dans la péninsule de Kowloon, était une enclave chinoise au milieu de la colonie de Hong Kong, jusqu'à sa démolition en 1993. Un parc lui a succédé. Le lieu était célèbre pour la densité exceptionnelle du bâti, qui laissait à peine pénétrer la lumière.
L'enclave
La Citadelle, dénommée Kowloon lors de sa création, fut établie pendant la dynastie Song, pendant laquelle elle servit de poste d'observation de la région contre les pirates et de centre de gestion de la production de sel. Elle a été reconstruite en tant que forteresse au milieu du xixe siècle sur le même site. Après la cession de l'île de Hong Kong à la Grande-Bretagne en 1842 prévue dans le Traité de Nankin signée par les Qing, les autorités chinoises y établirent un poste militaire et administratif afin de contrebalancer l'influence des Britanniques dans le secteur.
En vertu de la convention pour l'extension du territoire de Hong Kong signée en 1898, le Royaume-Uni obtint les « Nouveaux Territoires » en bail pendant 99 années, à l'exception de la ville murée. Celle-ci avait alors une population d'environ 700 habitants. Il fut convenu officieusement que la Chine pourrait continuer d’y garder des troupes, à condition que celles-ci n'interfèrent pas avec l'administration provisoire britannique.
La Grande-Bretagne est rapidement revenue sur cette partie officieuse du traité, attaquant la ville murée en 1899, mais la trouvant abandonnée. Les Britanniques ne firent rien par la suite de la citadelle et de son avant-poste, laissant ainsi en suspens la question de la propriété et de la nationalité du lieu. Entre les années 1890 et 1940, l'enclave était composée d'un yamen, ainsi que d'autres bâtiments, qui finirent par devenir un ensemble de constructions de faible hauteur mais extrêmement denses en population. La citadelle resta une enclave chinoise en dépit des évènements turbulents du début du xxe siècle qui entraînèrent la chute de la dynastie Qing, et l'établissement de la République de Chine en 1911, puis de la République populaire de Chine en 1949. La ville murée est restée une curiosité et une attraction pour les touristes et les coloniaux, où l'on pouvait voir « les vestiges de la vieille Chine » à Hong Kong, et ce jusqu'en 1940.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’armée d’occupation Japonaise expulsa les habitants de la citadelle, et la démolit en grande partie – notamment son mur d'enceinte – afin d'utiliser les matériaux dans la construction de l’aéroport voisin, Kai Tak.
Après la seconde guerre mondiale
Après la capitulation du Japon, les squatters (soit des anciens résidents, soit plus probablement des nouveaux venus) commencèrent à habiter la citadelle, résistant à plusieurs tentatives par la Grande-Bretagne en 1948 de les en expulser. Désormais sans mur pour la protéger, la Citadelle devint un asile pour escrocs et toxicomanes, car la Hong Kong Police Force n'avait aucun droit d'y entrer, et aucune autorité chinoise en Chine continentale, ni seigneur de guerre, ni communiste, ou Kuomintang, ne souhaitait en prendre la responsabilité.
En 1949, la République populaire de Chine fut établie, et des milliers de réfugiés supplémentaires affluèrent, beaucoup en provenance de Guangdong, se rajoutant à la population déjà présente. L'administration coloniale britannique adopta une politique de laisser-faire. Un meurtre commis dans la citadelle en 1959 provoqua une mini-crise diplomatique entre le Royaume-Uni et la Chine. Les deux nations tentèrent de pousser l'autre à accepter la responsabilité de cette vaste parcelle de terrain pratiquement en anarchie, dominée par les Triades chinoises.
En tant que syndicats de crime organisé, les triades y ont été puissantes jusqu'au milieu des années 1970. En 1973-1974, une série de plus de 3 000 incursions de police ciblant les triades au sein de la Citadelle les ont affaiblies. Bien que la citadelle ait été décrite comme un foyer de criminalité, la vie quotidienne y était en grande partie organisée par les habitants plutôt que par les triades. La plupart des résidents y vivaient paisiblement, et n'avaient aucun lien avec des activités criminelles. De nombreuses associations caritatives et groupes religieux aidaient à améliorer la vie des habitants, gérant des écoles et d'autres services sociaux. Le Gouvernement de Hong Kong a également fourni des services tels que l'eau et la distribution du courrier.
La puissance des triades ayant diminué, la ville murée a commencé à se développer de façon presque organique. Il n’y avait que deux règles de construction : être raccordé à l'électricité, et se limiter à quatorze étages en hauteur, pour ne pas gêner l'aéroport voisin.
Les bâtiments bâtis les uns dans les autres ont transformé le quartier en un monolithe de rapiéçage de centaines de mètres carrés, à la suite de milliers de modifications et d’extensions, pratiquement sans aucune intervention d'architectes ou d'ingénieurs.
Des couloirs labyrinthiques traversaient le monolithe, certains étant d'anciennes rues au niveau du sol, souvent obstruées par les détritus, et d'autres parcourant les niveaux supérieurs, pratiquement entre les bâtiments. Les ruelles étaient éclairées par des lumières fluorescentes, car la lumière du jour y pénétrait à peine, sauf juste sous les toits. Seules huit canalisations municipales approvisionnaient en eau la structure entière (malgré la présence de puits).
Au début des années 1980, la Citadelle avait une population estimée à 35 000 habitants. Quartier anarchique, la citadelle était réputée pour sa profusion de maisons closes, casinos, poufs, salons d'opium et de cocaïne, ses restaurateurs qui servaient de la viande de chien, et pour ses usines clandestines. Elle était également connue pour son nombre très élevé de cliniques de dentiste à l'hygiène déplorable, puisque les dentistes non autorisés pouvaient y pratiquer sans risque de poursuites.
L’évacuation et démolition
Au fil du temps, les deux gouvernements, britannique et chinois, considéraient l'anarchie de la citadelle comme de plus en plus insupportable, malgré une criminalité basse dans les statistiques de la police. La qualité de la vie, et les conditions sanitaires en particulier, étaient très en retard sur le reste de Hong Kong, qui devenait une cité riche et moderne.
Après la Déclaration commune sino-britannique de 1984, les autorités britanniques, avec l'accord de la Chine, décidèrent de démolir la ville et de reloger ses habitants en 1987. À ce moment-là, elle avait 50 000 habitants sur 0,026 km². Sa densité de 1 923 076 habitants au km² faisait de la Citadelle le quartier le plus densément peuplé au monde.
L'évacuation, commencée en 1991, fut achevée en 1992. Le gouvernement dépensa jusqu'à 3 milliards de dollars de Hong Kong pour reclasser les résidents et les commerçants. Quelques résidents, parmi ceux qui n'étaient pas satisfaits de la compensation, ont tenté en vain d'empêcher la démolition en usant de tous les moyens à leur disposition.
Avant sa démolition définitive, un groupe d'explorateurs japonais mit environ une semaine pour voyager dans la ville murée déserte, établissant une sorte de carte et une coupe de la ville2. Le film Crime Story(1993) avec Jackie Chan a été en partie tourné dans la citadelle abandonnée, et de vraies scènes d'explosions de bâtiments faisaient partie du montage final.
Après la démolition en 1993, la construction d'un parc démarra en mai 1994 sur le site.
Adresse
Kowloon City District
Hong Kong
Lat: 22.332130432 - Lng: 114.190330505