Description
Le Jour des morts (Día de muertos), est une forme particulière de fête des morts typique de la culture mexicaine actuelle qui s'observe aussi dans le sud-ouest des États-Unis parmi la communauté d'origine mexicaine.
Cette fête se distingue des autres fêtes des morts, et notamment des fêtes chrétiennes, par le caractère festif de certaines traditions et par la réalisation d'autels privés dédiés aux morts et couverts d'offrandes d'objets, de fleurs et de nourriture.
De plus, bien que le jour des morts lui-même soit, dans la tradition chrétienne, le 2 novembre, jour de la Commémoration des fidèles défunts, les festivités mexicaines sont pratiquées au moins pendant les deux premiers jours du mois de novembre et commencent généralement le 31 octobre ; dans certaines communautés indigènes, elles sont célébrées plus largement entre le 24 octobre et le 3 novembre.
Cette fête n'est pas un jour férié officiel selon l'article 74 du droit du travail mexicain, mais les écoles et certaines administrations locales sont en congé le 2 novembre.
Le Jour des morts est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'Unesco et figure également dans l'Inventaire du patrimoine culturel immatériel français.
Traditions
Le jour des morts est une période joyeuse pour les Mexicains :
- La période du 31 octobre au 1er novembre est consacré aux « angelitos » (enfants morts) ; des autels leur sont dédiés dès le midi du 31 octobre, et un goûter traditionnel sucré leur est offert à 19 heures.
- Le matin du 1er novembre (Jour de la Toussaint / Todos Santos) est consacré au petit-déjeuner des "angelitos". C'est ensuite pour les défunts adultes que de nouvelles offrandes sont déposées sur les autels.
On constate des variations de date, mais l'ordre des rituels ne change pas (d'abord pour les enfants, ensuite pour les adultes).
Le 2 novembre, lors de la commémoration des fidèles défunts, les Mexicains vont dans les cimetières en jetant des pétales de fleurs au sol et en allumant des bougies pour guider les âmes vers les tombes. Cette visite, qui a la particularité d'être festive, est l'occasion de nettoyer les tombes des défunts et de leur apporter des offrandes, notamment de fleurs de cempasúchil (roses d'Inde) ou d'œillets d'Inde, et de la nourriture.
Autels
Les Mexicains confectionnent des autels pour leurs défunts dans leurs habitations. Les autels se composent traditionnellement de plusieurs niveaux, en symbole des différents lieux traversés par l'âme des défunts.
On y place diverses offrandes. Les plus communément employées sont :
- un ou plusieurs portraits du défunt: cette image honore la partie la plus haute de l'autel. Il est placé devant un miroir avec une position dans laquelle le défunt ne puisse voir que le reflet de ses proches.
- des objets personnels du défunt: pour leur faire plaisir et leur rappeler que nous nous souvenons toujours de ce qu'ils aiment.
- les calaveras : ce sont des crânes sous forme de friandises en sucre, en chocolat ou en plastique pour la décoration. Le nom du défunt est inscrit sur le front du crâne. Cette tradition vient notamment des Aztèques qui gardaient les crânes de leur adversaires vaincus au combat comme trophée. Ces mêmes crânes étaient rassemblés lors de la fête des morts pour symboliser la mort et la reconnaissance.
- des bougies allumées: représente le chemin que le défunt doit suivre pour arriver à son autel.
- des fleurs: du 1er au 2 novembre, les familles nettoient et décorent souvent les tombes avec des couronnes colorées de roses et de tournesols, entre autres. On peut retrouver les zempaxuchiti, fleurs orangées. Au dessus de l'autel se trouve généralement des œillets d'Inde (« cempasúchil »), qui peuvent être accrochées en colliers ou sur un arc. Cette fleur est un symbole du rayonnement du soleil, considéré comme l'origine de tout.Chaque fleur représente une vie, et dans le cas du défunt, cela signifie qu'elle a toujours sa place dans le "Tout" et qu'elle n'a pas été oubliée par ses amis et sa famille. Curieusement, dans la ville de Huaquechula, dans l'état de Puebla, la fleur de cempasúchitl n'est pas utilisée, mais les tombes sont ornées de nuages et de glaïeuls.
- un crucifix: utilisé dans la plupart des autels, c'est un symbole introduit par les évangélisateurs espagnols. La croix est sur le dessus de l'autel d'un côté de l'image du défunt et cela peut être du sel, de la cendre, de la terre ou de la chaux. Elle peut également faire référence aux quatre points cardinaux dans certaines traditions indigènes
- du papel picado ou papier coloré et découpé: un artisanat mexicain fait avec du papier (mais aussi des feuilles de plastiques, car elles sont plus résistantes à la pluie) découpé en figures de squelettes et de crânes ou toutes sortes de motifs géométriques.
- de l'encens et du copal qui symbolisent le passage de la vie à la mort.
- de la nourriture : le pain de mort (« pan de muerto »), des têtes de mort en sucre (« calaveras de alfeñique »), de la courge confite (« calabaza en tacha », des bonbons, des fruits, de l'eau bénite parfois des offrandes appréciées par le défunt : sa boisson préférée, du tabac... Bien que personne ne mange ces mets, les légendes disent que la nourriture perd sa saveur parce que les morts se nourrissent des arômes.
Les personnes décédés le mois précédent le jour des morts ne reçoivent pas d'offrandes car elles n'ont pas eu le temps de demander la permission de retourner sur Terre. Pour les enfants décédés avant d'avoir été baptisés, les Mexicains offrent des fleurs blanches et des cierges. Pour les enfants baptisés, la famille et les amis ajoutent des jouets sur son autel.
Spécificités régionales
Mexique
- Aguascalientes : depuis 1994 : festival de Calaveras (es)
- Oaxaca : offrande aux angelitos
- Michoacán : la légende de la Mintzita ; les mariposas de la Velación (la veillée) autour du lac de Pátzcuaro.
- Sinaloa et Sonora : dans la région mayo, la célébration commence le 24 octobre.
- Sonora : chez les Yaquis, la fête commence dès le 1er octobre avec la célébration des enfants morts, et se poursuit avec des processions ("kontis") tous les lundis jusqu'au 31 octobre, et se termine le 2 novembre.
- Tabasco : chez les Chontales, cette fête est observée pendant tout le mois de novembre.
- En 2010, dans le Jalisco, environ 3 000 croyants de la secte de l'Église catholique traditionnelle mexicaine-américaine ont honoré la Santa Muerte (« Sainte Mort »), le 2 novembre, à l'occasion du jour des morts. Ce culte très marginal n'est pas reconnu comme une manifestation officielle du Jour des morts, et a même été interdit par le secrétariat de l'Intérieur mexicain, et rejeté par les Églises catholiques et protestantes.
États-Unis
La fête des morts est fêtée aux Etats-Unis dans certaines régions, en grande partie par la population d'origine hispanique. Elle se célèbre plus particulièrement au Sud du pays où les immigrés mexicains (surnommés "Chicanos") sont les plus nombreux.
Les traditions sont les mêmes qu'au Mexique : décoration des pierres tombales, construction d'autels où les Chicanos déposent des cierges, des fleurs et des aliments.
Guatemala
Au Guatemala, les traditions sont similaires aux mexicaines. Un festival de cerfs-volants est organisé dans les localités de Santiago Sacatepéquez, Sumpango et Todos Santos. Le fil du cerf-volant symbolise le lien avec les défunts et permet, selon certaines croyances, de guider les âmes des défunts vers leurs proches.
Philippines
Aux Philippines, le jour des morts est également célébré. Les cimetières connaissent une forte affluence à cette occasion. Une veillée de 24 heures et des offrandes de fleurs et de bougies sont faites aux défunts.
Histoire
Fêtes précolombiennes
Les rites dédiés aux ancêtres, dans les civilisations mésoaméricaines, remontent à environ trois mille ans.
Peu de temps avant l'arrivée des Espagnols, à l'époque postclassique, dans le centre de l'actuel Mexique, les Aztèques pratiquaient deux fêtes des morts majeures : une pour les enfants (Miccaihuitontli), et une pour les adultes (Hueymiccalhuitl). La petite fête était célébrée vingt jours avant la grande, au mois d'août, coïncidant avec la fin du cycle agricole du maïs, de la courge, des pois et des haricots. Elle commençait avec la coupe du xócotl, un arbre dont on retirait l'écorce et qu'on décorait de fleurs. Tout le monde y participait et faisait des offrandes à l'arbre pendant vingt jours. Ces festivités étaient dédiées aux proches défunts. Elles étaient célébrées entre le neuvième et le dixième mois du calendrier solaire mexica correspondant aux mois de juillet et d'août, et étaient présidées par la déesse Mictecacihuatl, la Dame de la Mort, épouse du Seigneur de la terre des morts, Mictlantecuhtli.
À l'époque préhispanique, il était également courant de conserver les crânes des victimes de sacrifice humain et de les exposer lors de certains rituels, notamment sur un tzompantli.
Peu après la colonisation espagnole, Diego Durán a constaté que ces fêtes n’étaient plus célébrées en août mais à la Toussaint : des offrandes de monnaie, de cacao, de cire, d'oiseaux, de fruits, de grandes quantités de graines et de nourriture en général étaient dédiées le premier jour aux enfants morts et le lendemain aux adultes, pour, selon lui, perpétuer les rituels et les croyances indigènes en faisant semblant de respecter les traditions chrétiennes.
Syncrétisme religieux
Les traditions actuelles de cette fête, au Mexique, sont un mélange de traditions de différentes origines, en particulier chrétiennes et indigènes ; l'influence de la fête anglo-saxonne d'Halloween, due aux échanges culturels constants avec les États-Unis, est grandissante.
Selon une interprétation populaire, malgré leurs efforts de conversion forcée au catholicisme, les Espagnols n'auraient pas réussi à éradiquer toute référence aux rituels indigènes préhispaniques.
Cependant, selon l'archéologue mexicain Ricardo Rivera, les célébrations actuelles n'ont plus de lien avec les célébrations préhispaniques : elles sont devenues mercantiles et l'origine de cette tradition ne remonterait pas au-delà de l'intervention américaine (1836) ou française (1862), voire des débuts du Porfiriat (1876) ; pour d'autres chercheurs, elle serait encore plus récente, avec une première impulsion avec le nationalisme culturel porté par José Vasconcelos après la Révolution mexicaine, puis une plus importante, auprès d'un public plus vaste, à partir des contestations de 1968.
De même, la directrice des études historiques de l'Institut national d'anthropologie et d'histoire (INAH) Elsa Malvido, qui a réalisé des recherches sur les origines des actuels rituels du jour des morts mexicain affirme que ceux-ci sont exclusivement hérités des traditions chrétiennes apportées par les Espagnols. En effet, les Espagnols pensaient que les âmes parcouraient la Terre et flottaient autour d'eux. Tous craignaient qu'elles s'abattent sur eux pour les emporter avec elles. C'est pourquoi ils préparaient des autels avec du vin et du pain pour les apaiser. Des cierges les guidaient jusqu'à l'autel.
Selon cette chercheuse, les origines préhispaniques de cette fête seraient une légende créée de toutes pièces et propagée par des intellectuels nationalistes mexicains durant la présidence du général Lázaro Cárdenas del Río. Inconnu, tombé en désuétude, ou oublié dans la plus grande partie du Mexique le Jour des morts fut promu et popularisé dès les années 1920 par les gouvernements nationalistes issus de la révolution de 1910 qui cherchaient à établir une culture populaire unifiée en le faisant connaître dans tout le pays par des films, des chansons et dans les livres scolaires, ainsi naquirent les actuelles icônes de la mexicanité que sont le jour des morts, la Catrina, la China poblana et le charro.
Reconnaissance internationale
A l'internationale
En 2003, l'UNESCO déclare les fêtes indigènes dédiées aux morts "chef-d'oeuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité".
En France
La France a également mis à l'honneur la fête des morts : en 2007 et 2009 le musée du Quai Branly, en partenariat avec l'Instituto de Mexico, ont créé des semaines dédiées aux spécialités mexicaines. Il y eut notamment une conférence sur "el dia de los muertos" (le jour des morts).
Économie
L'industrie du tourisme s'est fortement développée autour de cette fête au Mexique.
Citations
L'écrivain mexicain Octavio Paz a jugé, dans son essai Le Labyrinthe de la solitude, que « L'indifférence du mexicain devant la mort se nourrit de son indifférence devant la vie ».
Dans les œuvres de fiction
Filmographie
- Nuit des morts (Noche de los muertos), moyen métrage mexicain de Julián Pastor, sorti en 1979.
- Esprits Criminels, série américaine (saison 9 épisode 6) (2013)
- La Légende de Manolo (The Book of Life), film d'animation américain de Jorge R. Gutierrez, sorti en 2014.
- Spectre, film d'espionnage américano-britannique réalisé par Sam Mendes, sorti en 2015.
- Coco, film d'animation américain en image de synthèse réalisé par Lee Unkrich, sorti en 2017.
Ouvrages
- Fabian Négrin. Frida et Diego aux pays des squelettes. Jeunesse. 15/09/2011, 40 pages.
Jeu vidéo
- Grim Fandango, jeu d'aventure américain réalisé par LucasArts (1998).
Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Jour_des_morts_(Mexique)
Adresse
Oaxaca City
Mexique
Lat: 17.054229736 - Lng: -96.713233948