Description
Manneken-Pis, signifiant « le gamin [qui] pisse » en néerlandais, est une fontaine ayant la forme d'une statue en bronze de 55,5 centimètres de hauteur (61 cm avec le socle) qui représente un petit garçon nu en train d'uriner. Elle est située au cœur de Bruxelles, à deux pas de la Grand-Place, à l'intersection de la rue de l'Étuve et de la rue du Chêne. Depuis 1965, la statuette présente sur place est une copie à l'indentique de celle conçue en 1619-1620 qui est précieusement conservée au Musée de la Ville de Bruxelles situé dans la Maison du Roi. Manneken-Pis est le symbole le plus connu des Bruxellois, il personnifie aussi leur sens de l'humour et leur indépendance d'esprit.
Histoire
La plus ancienne mention de l'existence de Manneken-Pis se trouve dans un texte administratif, qu'on peut dater de 1451-1452, sur les conduites d'eau alimentant les fontaines bruxelloises3. Erronément, certains ont fait remonter la statue à un texte de 1388 qui cite la "fontaine du petit Julien" (Juliaenkensborre) en confondant à tort deux fontaines pourtant bien distinctes. Cette confusion explique aussi pourquoi il arrive qu'on affuble Manneken-Pis du sobriquet de "petit Julien". Dès l'origine, la fontaine joue un rôle essentiel dans la distribution d’eau potable. Elle se situe alors sur le parcours de la rue du Chêne, juste avant l'angle que forme celle-ci avec la rue de l'Etuve. Elle prend place sur une colonne et déverse son eau dans un double bassin rectangulaire en pierre. Les seules représentations de cette première statuette se trouvent, de manière très schématique, dans un tableau de Denis Van Alsloot représentant l'ommegang bruxellois de 1615 et dans un dessin préparatoire à cette peinture.
La première statue est remplacée par une nouvelle version en bronze commandée en 1619 à Jérôme Duquesnoy l'Ancien (1570-1641), grand sculpteur bruxellois de l'époque, père de Jérôme Duquesnoy le Jeune et de François Duquesnoy. Elle est vraisemblablement fondue et installée en1620. Au même moment, la colonne servant de support à la statuette et le double bassin rectangulaire recueillant l'eau sont entièrement refaits par Daniel Raessens.
Comme le montre cette gravure de Jacques Harrewijn datant de 1697, la fontaine ne situe plus désormais sur la voie publique, mais dans un renfoncement aménagé à l'angle des rues du Chêne et de l'Etuve.
En 1770, la colonne et le double bassin rectangulaire disparaissent ; la statuette est intégrée dans un nouveau décor en pierre de style rocaille provenant d'une autre fontaine bruxelloise démantelée. L'eau s'écoule simplement au travers d'une grille au sol qui sera remplacée par une vasque au xixe siècle. Dans son nouvel écrin, Manneken-Pis donne l'impression d'être plus petit que dans son aménagement d'origine.
L'ensemble est protégé par une grille, dont la dernière version date de 1851. Celle-ci empêche dès ce moment l'accès à l'eau, reléguant la fontaine à un role décoratif et symbolique. C'est aussi le cas, vers la même époque, des autres fontaines bruxelloises dans la mesure où la Ville de Bruxelles rend possible dès 1855 la distribution d'eau potable à domicile.
Au cours de son histoire, la statue de Jérôme Duquesnoy l'Ancien dut faire face à de nombreux aléas. Elle ne fut miraculeusement pas endommagée par le bombardement de Bruxelles de 1695 par l'armée française, mais, les canalisations ayant été touchées, elle ne put livrer son eau pendant un certain temps. Un pamphlet publié la même année raconte cet épisode. Ce texte est le plus ancien attestant que Manneken-Pis est devenu « un objet de gloire apprécié par tous et renommé dans le monde entier ». C’est la première fois aussi qu’il sert de porte-voix aux Bruxellois. Et il s’exprime déjà avec ce caractéristique humour bon enfant et irrévérencieux qui est si cher au cœur des habitants de Bruxelles. On raconte aussi traditionnellement qu'après le bombardement, on plaça au-dessus de sa tête une inscription tirée d'un passage de la Bible : « In petra exaltavit me, et nunc exaltavi caput meum super inimicos meos. » (le Seigneur m'a élevé sur un socle de pierre, et maintenant moi, j'élève ma tête au-dessus de mes ennemis).
La statue fut, à plusieurs reprises, l'objet de vols ou de tentatives de vol. La légende voudrait que la statue ait été enlevée en 1745 et retrouvée à Grammont qui en aurait alors reçu une copie, mais rien n’est moins vrai. En réalité, la première tentative de rapt attestée fut entreprise en 1747 par un groupe de soldats français en garnison à Bruxelles. Pour calmer les esprits, le roi de France Louis XV offrit un habit de gentilhomme à Manneken-Pis, l'autorisant à porter l'épée, et le décora de la Croix de Saint Louis. La statue fut volée en 1817 par le repris de justice Antoine Licas. Le coupable fut lourdement puni: condamné aux travaux forcés à perpétuité, il fut d'abord attaché pendant une heure à un carcan sur la Grand-Place. L'original ayant été brisé en 11 morceaux lors de son enlèvement en1817, il fut restauré par un soudeur specialisé sous la supervision du sculpteur Gilles-Lambert Godecharle. La statue est alors vissée sur un nouveau socle marqué « 1620 – REST 1817 ». Manneken-Pis connut d'autres péripéties au xxe siècle. Deux tentatives de vol se produisent en 1955 et 1957. Dérobé en 1963, il fut aussitôt retrouvé à Anvers. Les choses furent plus graves lors de sa disparition en 1965 : la statuette avait été brisée par le voleur et il n'en subsistait que les pieds et les chevilles. Le corps fut néanmoins retrouvé en 1966. Au mois de juin, le magazine anversois De Post reçut un coup de téléphone anonyme, signalant que la statuette se trouvait dans le canal de Charleroi. Elle y fut retrouvée par des plongeurs envoyés par le magazine, et fut ramenée à Bruxelles le 27 juin. Restaurée une nouvelle fois, la statue fut mise à l'abri et est désormais exposée au deuxième étage du Musée de la Ville de Bruxelles occupant la Maison du Roi. Sur place, à l'angle des rues du Chêne et de l'Etuve, elle fut remplacée par une copie à l'identique.
Symbolique
Les origines de la première statue de Manneken-Pis datant d’avant 1451 ne sont pas documentées. On sait toutefois que, dans la première moitié du 15e s., plusieurs autres bambins urinant sculptés pour servir de fontaine ont vu le jour à Florence. On trouve également un "gamin qui pissait de l'eau rose", comme entremets mécanique au banquet du faisan organisé par le duc de Bourgogne à Lilleen 1454 . Le thème de l'enfant urinant, ailé ou non, remonte en réalité à l'Antiquité gréco-romaine. Il figurait alors Eros-Cupidon, le dieu de l'amour, en train de se soulager, symbolisant la fertilité et le débordement joyeux. Sa réapparition est attestée à Florence dès 1400, où la figure d'origine antique est assimilée à un petit esprit ou un lutin (spiritello) amusant et innocent. Plus tard, on parlera en termes savants de "putto pisciatore" ou de "puer mingens" pour désigner l'iconographie de l'enfant urinant qui restera en vogue dans les arts (peinture, sculpture, gravure, fresque, papier peint) jusqu'au xviiie siècle. Aujourd’hui encore, on peut voir des fontaines de ce type en action à Rouen (fontaine Saint-Maclou), Lacaune (fontaine des pisseurs) et Copenhague (fontaine de la Charité). La diffusion du thème bénéficie particulièrement du Songe de Poliphile, livre illustré publié en 1499. Dans cet ouvrage, des bambins pisseurs apparaissent à plusieurs reprises, de même que desnymphes faisant jaillir l'eau de leur poitrine. La vogue de la figure de l’enfant urinant s’intègre effet plus largement dans le goût pour les fontaines anthropomorphes. A Bruxelles même, on trouve mention d'une fontaine provisoire ayant l’aspect d’une sirène qui fait jaillir du vin de ses mamelles à l’occasion du mariage d’Antoine de Bourgogne célébré en 1409 au palais du Coudenberg. Au 16e s, plusieurs fontaines sont aménagées à Bruxelles, qui figurent des divinités antiques féminines projetant de l'eau de leurs seins : deux sont publiques, situées devant la Maison du Roi et à l'arrière de l'église Saint-Nicolas, la troisième est privée (elle est exposée aujourd'hui au Musée de la Ville de Bruxelles).
On peut émettre l'hypothèse que la première version de Manneken-Pis datant d'avant 1451 s’inscrit dans cette histoire ainsi que dans le goût médiéval pour les fontaines surprenantes. En tout cas, c'est indéniablement la figure du putto urinant que Jérôme Duquesnoy l'Ancien a traitée en exécutant la seconde version de Manneken-Pis en 1619-1620. Le ventre rebondi et la puissante musculature du petit personnage sont caractéristiques de cette iconographie.
Dès ses débuts, le caractère humoristique de Manneken-Pis a certainement dû plaire. Tout au long de son existence, d’autres traits lui ont également été associés, dans lesquels les Bruxellois ont aimé se retrouver. On voit en lui un gamin irrévérencieux, épris de liberté, capable de braver le qu’en dira-t-on. Ceci explique vraisemblablement pourquoi Manneken-Pis a fini par devenir, au plus tard au cours du 17e s., le symbole des Bruxellois.
Cette dimension symbolique ne s’est plus jamais dementie par la suite, faisant de Manneken-Pis « le plus ancien bourgeois de Bruxelles ». Pour le Bruxellois, se réclamer de cette statue gentiment provocante contribua à l’élaboration d’une représentation de soi comme d'un être espiègle, moqueur, libre et doté d’un grand sens de l’humour.
Folklore
Le jet d'eau est, à l'occasion de fêtes, remplacé par des breuvages. Ainsi, on rapporte qu'en 1890, au cours de grandes fêtes bruxelloises qui se déroulèrent durant deux jours, le petit bonhomme distribua du vin et du lambic (bière bruxelloise). Actuellement, certaines sociétés folkloriques bruxelloises ont gardé pour tradition lors de célébrations annuelles (Saint-Verhaegen…) d'offrir à boire en faisant couler de la bière par Manneken-Pis.
Légendes
L'obscurité entourant ses origines a donné matière à de nombreuses historiettes. Le premier à les mettre par écrit en 1824 est le prolifique auteur français Jacques Collin de Plancy. D'autres sont ensuite rapportées par différents écrivains, dont Guillaume Devogel dans ses célèbres "Légendes bruxelloises". Parmi les plus souvent citées figurent les suivantes.
En 1142, alors que le duc de Lotharingie Godefroid III était encore un tout jeune enfant au berceau, certains de ses vassaux se révoltèrent et affrontèrent les troupes ducales lors de la bataille de Ransbeke. Pour donner du cœur au ventre à ses partisans, le berceau de l'enfant fut pendu à un chêne sur le champ de bataille. Alors que ses troupes étaient en mauvaise posture, le petit duc se dressa dans son berceau et satisfit un besoin naturel. Ce geste redonna courage à ses troupes qui l'emportèrent. La fontaine perpétuerait le souvenir de cette victoire. Le nom de la rue du Chêne, au coin de laquelle se trouve la statue, rappellerait l'arbre qui se dressait sur le champ de bataille. Cette légende de Manneken-Pis s’est élaborée en assimilant l’histoire de Godefroid III déjà rapportée par les ‘Brabantsche Yeesten’, chroniques du Brabant rédigées au 14e siècle.
Une autre légende raconte qu'un enfant aurait éteint, à sa manière, la mèche d'une bombe avec laquelle les ennemis de Bruxelles voulaient mettre le feu à la cité.
Une autre encore prétend qu'un enfant perdu aurait été retrouvé par son père, riche bourgeois de Bruxelles, dans la position que l'on imagine.
Pour certains, il s’agirait d’un petit Bruxellois du 8e siècle condamné à ne plus grandir et ne plus s’arrêter de faire pipi, pour expier la faute de son père qui avait tenté de s’en prendre à la pudeur de sainte Gudule.
On parle aussi d'un petit garçon avait pour habitude d'uriner sur la maison d'une sorcière. Un jour, la sorcière voulut figer le petit garçon, mais un saint homme mit à la place une statue du petit garçon le représentant.
Garde-robe
Le plus ancien témoignage de la tradition d’habiller Manneken-Pis remonte à 1615. Lors de l'ommegang bruxellois organisé cette année-là en l’honneur de l’ archiduchesse Isabelle, Manneken-Pis porte porte un costume de berger.
Traditionnellement, on rapporte qu’en 1695, le gouverneur-général Maximilien-Emmanuel de Bavière en poste à Bruxelles offrit un habit de couleur bleu (couleur de la Bavière) à la fois à Manneken-Pis et à la statue de saint Christophe, patron de la gilde militaire des arquebusiers bruxellois. L'habitude de revêtir des statues religieuses est courante depuis le Moyen Age. Offrir des vêtements à une statue non-religieuse est, en revanche, exceptionnel. Ceci ne peut se comprendre que par le statut de symbole des Bruxellois que Manneken-Pis a progressivement acquis.
En 1720, le chanoine P. de Cafmeyer relate la tradition d’habiller Manneken-Pis à l’occasion des diverses fêtes annuelles rythmant la vie des Bruxellois. Il rapporte aussi que les étrangers de passage àBruxelles ont pris l’habitude de venir saluer la statuette.
Le plus ancien costume conservé est celui de gentilhomme, offert en 1747 par le roi de France Louis XV pour calmer les habitants de Bruxelles, furieux parce que des soldats français avaient tenté de dérober la statuette. Il porte la la Croix de Saint-Louis dont le roi l'avait également honoré.
En 1756, un inventaire indique que la garde-robe de Manneken-Pis contient cinq habits complets. Sa garde-robe ne s’est pas beaucoup étoffée avant le xxe siècle. De 1918 à 1940, une trentaine de costumes lui ont été offerts. Mais c’est surtout après 1945 que le mouvement a pris une ampleur exceptionnelle : la garde-robe compte plus de 400 costumes en 1994, plus de 750 en 2005, plus de 950 en 2016.
Autrefois, le costume était taillé sans patron de coupe. Les manches étaient rembourrées d’ouate et se terminaient par des gants. C’est seulement depuis 1945 qu’un patron permet la confection de costumes plus ajustés.
Les thèmes des habits sont divers et de toutes nationalités : costumes de gala, militaires, estudiantins, folkloriques, associatifs, de musiciens, de sportifs, de personnages célèbres, de légende ou réels, ...
La garde-robe, qui comprend pas loin d'un millier de costumes, est conservée au Musée de la ville de Bruxelles, situé dans la Maison du Roi sur la Grand-Place. En 2017, un tout nouvel espace muséal situé rue du Chêne sera entièrement dédié à la présentation des habits les plus emblématiques de la garde-robe de Manneken-Pis.
Ordre des Amis de Manneken-Pis
Depsuis 1954, la remise officielle des nouveaux costumes est encadrée par l’ordre des Amis de Manneken-Pis fondé cette année-là pour consolider la tradition folklorique.
L'Ordre, dans sa forme actuelle, a été relancé en 1985 par l'historien journaliste Antoine Demol et compte plus de 150 membres. L'Ordre a pour objectif de stimuler le développement culturel, touristique, philanthropique et commercial de la Belgique en général, et plus particulièrement de préserver les traditions liées au personnage de Manneken-Pis. L'Ordre est toujours présent lors des cérémonies qui entourent la remise de nouveaux costumes et lors de salutations à la statuette et des anniversaires de remise. Pour devenir membre de l'Ordre il faut respecter une période de stage d'au moins deux ans et être proposé et soutenu par un parrain et une marraine qui sont déjà membres de l'Ordre depuis plus d'un an. Les candidats-membres doivent montrer leur intérêt pour tout événement culturel et folklorique concernant le Manneken-Pis.
Adresse
Brussels
Belgique
Lat: 50.844993591 - Lng: 4.349977970