Mosquée Jami Ul-Alfar

Dans l'agitation de Pettah, le principal district commercial de Colombo, se trouve un édifice très frappant, un havre spirituel appelé Jamiul Alfar Masjid. Cette mosquée est remarquable parce que l'architecture est Indo-Sarracénique, incorporant des dômes en forme de grenades. Mais la caractéristique la plus extraordinaire est que chaque brique est peinte en rouge ou blanc et utilisée dans des dessins contrastés, ce qui a donné lieu à son nom commun, la Mosquée Rouge.

Pendant le 7ème siècle CE, les dhows arabes avec leurs voiles latines distinctives remplies par le vent de mousson ont commencé sérieusement à naviguer vers le sud-est à travers l'océan Indien. A bord se trouvaient des commerçants dont la destination était l'île qu'ils appelaient Serendib - «l'île des Rubis» - à la recherche de ces pierres précieuses, mais aussi des épices piquantes, des perles parfaites et de bien d'autres choses encore.

Habitués à des paysages souvent stériles, ces commerçants, dont beaucoup venaient de l'ancienne ville d'Alep, éprouvèrent beaucoup de plaisir à la vue de la verdure de la nature et à la découverte de ses trésors. Ainsi Serendib fut également connue sous le nom de Tenarisin, «Île de délices» et Jazirat Kakut, «Île de gemmes».

Tel était l'attrait des récits transmis non seulement aux commerçants d'Alep, mais aussi à ceux de Bagdad (lisez le portrait étonnamment exact de Serendib dans les deux voyages de Sinbad à l'île contenus dans les contes des 1001 nuits), que les commerçants commencèrent à s'installer sur la côte ouest au VIIIème siècle. On a dit que le premier établissement fut à la station balnéaire actuelle de Beruwela, qui en cingalais signifie «l'endroit où la voile est abaissée».

Ces Arabes ont apporté avec eux non seulement des biens fabuleux, mais aussi leur foi bien-aimée, l'Islam, qui jouissait alors de son âge d'or. En effet, certains des premiers commerçants ont fait le voyage de Serendib lorsque le Prophète Muhammad était vivant. Il y eut une expansion des croyants principalement en raison des commerçants qui se sont installés à Beruwela et ailleurs dans Serendib, et partout en Asie. Ils épousèrent des femmes locales qui s'étaient converties à l'Islam (aujourd'hui, leurs descendants sont appelés Maures sri-lankais). et Beruwela est l'endroit où la première mosquée fut construite sur l'île, vers 920 CE, située sur une péninsule rocheuse où se trouve sa version moderne maintenant.

Au cours du millénaire suivant, beaucoup de changements se sont produits concernant la communauté musulmane au Sri Lanka. Jusqu'au XVIème siècle, les marchands arabes contrôlaient une grande partie du commerce du pays avec la bénédiction de la monarchie, qui les considérait comme un atout économique et politique. Il y avait aussi l'amitié raciale entre les cinghalais et les musulmans. Mais les Portugais sont arrivés et les musulmans ont été persécutés par les colons, avec les colons de la côte ouest fuyant au Royaume de Kandyan et à l'est.

Les beaux minarets et les dômes de la Masjid sont visibles à quelques kilomètres de là, s'élevant bien au-dessus des bureaux et des boutiques, annonçant sa présence en termes clairs

Au cours des XVIIIème et XIXème siècles, les musulmans javanais et malais apportés par les Hollandais et les Britanniques ont contribué au mélange islamique (leurs descendants sont appelés Malais sri lankais). Les membres de la communauté du Borah (Borah signifie «commerce»), une sous-secte musulmane du Yémen du Gujarat, en Inde du Nord, sont également arrivés pendant cette période, ainsi que des descendants de commerçants arabes qui s'étaient établis dans l'état de Tamil Nadu en Inde du Sud

Beaucoup de musulmans du sud de l'Inde avaient leurs établissements commerciaux dans Colombo à Pettah - traditionnellement associés à l'activité commerciale intense, aux bazars et aux marchés - un district qui signifie en anglo-indien "en dehors du fort", qui est aussi le sens du nom cinghalais pita-kotuwa. Ces musulmans dévots avaient besoin d'un endroit pour prier cinq fois par jour, comme prescrit, alors ils ont décidé d'ériger une mosquée près de leurs entreprises par commodité.

La terre de la Masjid (Mosquée) a été achetée par ces hommes d'affaires musulmans sud-indiens et donnée à la noble cause. Une fois construite, la Masjid a été enregistrée comme Trust, qui reste le même aujourd'hui, avec ses administrateurs actuels nommés parmi les descendants des donateurs originaux et des syndics de la Masjid.

Des centaines de fidèles ont grimpé les escaliers à proximité et se sont répandus dans le hall jusqu'à ce qu'il soit rempli à capacité

Le concepteur et constructeur futt HL Saibo Lebbe et la mosquée à deux étages, incorporant une tour d'horloge, fut commencée en 1908 et a été terminée l'année suivante. Lebbe a été influencé par le style architectural Indo-Sarracénique, qui a été conçu par les architectes britanniques à la fin du 19ème siècle en Inde. Essentiellement, c'est un style hybride qui dessine des éléments de l'architecture indo-islamique et indienne locale, et la combine avec le renouveau gothique et les styles néoclassiques favorisés en Grande-Bretagne victorienne (témoins les Chambres du Parlement).

La Jamiul Alfar Masjid, comme elle fut nommée - Masjid est arabe pour mosquée - est également connu en tamoul comme Samman Kottu Palli ("Mosquée pour les musulmans d'origine indienne"), et en cingalais comme Rathu Palliya ("Mosquée Rouge"). Ce dernier nom décrit la couleur dominante, une couleur interrompue sur la plupart des surfaces par l'inclusion de briques peintes en blanc dans quatre conceptions principales: rayée, à carreaux, déchiquetée et en spirale. Vues ensemble, elles fournissent effet optique plaisant qui améliore l'architecture impressionnante.

Le National Trust du Sri Lanka est d'avis que «Malgré que son emplacement soit dans l'un des quartiers commerciaux les plus congestionnés de Colombo, la structure architecturale forte du bâtiment et la combinaison de couleurs inhabituelles font que la mosquée domine le paysage de rues étroites de Pettah. Le bâtiment présente également une solution architecturale intelligente et étonnante dans un site urbain serré ».

Essentiellement, c'est un style hybride qui dessine des éléments de l'architecture indo-islamique et indienne natives, et le combine avec les ... styles favorisés dans la Grande Bretagne victorienne

Les architectes prétendent que la Jamiul Alfar Masjid rappelle la Jamek Masjid à Kuala Lumpur, en Malaisie, construite la même année. Localement, il y a des similitudes architecturales avec, étonnamment, l'ancienne section de l'Hôpital ophtalmologique national, créé en 1906. Cette bizarre institution de briques rouges avec des rayures horizontales jaunes, semblable à une mosquée, a également été conçue dans le style indo-sarrasin par Edward Skinner.

En vérité, Pettah n'est pas l'endroit le plus joli de Colombo. Mais si elle est pleine de rues oppressives étroites avec de petits magasins miteux réunis dans des bâtiments délabrés qui n'ont pas vu une couche de peinture depuis beaucoup d’années, il a une ambiance qui ne peut être trouvée dans le Colombo chic. Et il n'y a presque rien que vous ne puissiez acheter. Mais comment un lieu de culte résiste-t-il à une telle activité commerciale frénétique?

C'étaient les quelques réflexions que j'ai eues pendant que je voyageais dans Pettah à la Jamiul Alfar Masjid pour assister au Jummah, ou prières du vendredi, et découvrir la rénovation et l'expansion qui feront de cette mosquée la plus grande capacité de congrégation au Sri Lanka. Les beaux minarets et les dômes de la Masjid sont visibles à quelques kilomètres de là, s'élevant bien au-dessus des bureaux et des boutiques, annonçant sa présence en termes clairs. Et quand j'ai descendu la rue Second Cross et j'ai vu cet édifice extraordinaire pour la première fois, j'ai été étonné. Les images racontent l'histoire.

J'ai été chaleureusement accueilli par Jafar Ali Farouk, trésorier de la mosquée, qui m'a dit que les dômes ne sont pas basés sur la forme habituelle de l'oignon: «l'architecte a utilisé la pomme-grenade pour la forme des dômes et leur a donné sa couleur naturelle, le rouge!». Il m'a montré comment les planchers et les murs inférieurs avaient été rénovés avec des carreaux d'époque, et m'a présenté une étonnante caractéristique originale - quatre énormes arbres tecks de Puttalam utilisés comme colonnes de soutien qui passent par les deux étages inférieurs.

En plus des rénovations, une nouvelle aile de 50 000 pieds carrés à quatre étages a été construite depuis 2007, de sorte qu'une congrégation de 10 000 personnes peut prier simultanément, atténuant ainsi le problème des dévots qui doivent prier dans la rue à l'extérieur. Cette aile doit être terminée dans quelques mois. Des escaliers roulants y sont même installés pour aider les personnes âgées et infirmes. Au sommet se trouve un toit plat avec une vue sur le voisin et contrasté port de Colombo.

Le muezzin avait fait l'appel pour la prière, et j'ai été placé dans un renfoncement pour observer l'événement. Des centaines de fidèles ont grimpé les escaliers à proximité et se sont déversés dans la salle jusqu'à ce qu'elle soit remplie. L'islam au Sri Lanka est pratiqué par 9,7% de la population, soit environ deux millions de personnes. Il semblait y en avoir un pourcentage au Jummah. Quand les prières ont été finies, Jafar Ali Farook m’a demandé ma réaction. J'ai répondu que, bien que je n’aie pas compris un mot, cela n'était pas nécessaire, car de tels événements spirituels sont au-delà des mots, et qu'il avait touché mon âme, même momentanément.

À une époque où il est crucial pour les non-musulmans de devenir plus conscients de l'islam, il est encourageant que la Masjid accueille les visiteurs. Visiter une mosquée est une expérience d'apprentissage. Le meilleur moment est entre 10 dans la matinée et midi. Le reste du temps, la Masjid est pleine de fidèles. Les hommes doiventt porter un pantalon et des chemises unies avec les manches boutonnées. Les femmes doivent porter des jupes modestes jusqu’à la cheville ou des pantalons non-collants et des hauts avec des manches. Les cheveux doivent être couverts par un foulard.