Histoire

De 1964 jusqu’à aujourd’hui : la Tanzanie indépendante

L’indépendance et la création de la Tanzanie

En 1953, Julius Nyerere, un enseignant né en 1922, passé par l'université de Makerere en Ouganda puis Édimbourg au début des années 1950 pour terminer ses études, prend à 31 ans la tête de la TAA (Tanganyika African Association), qu’il transforme rapidement en un véritable parti politique – le Tanganyika African National Union (TANU) – qui prône l’indépendance. Celle-ci est accordée par le Royaume-Uni le , sans aucune violence. Julius Nyerere est un court temps Premier ministre, puis à la suite des élections de décembre 1962, devient le premier président de la République du Tanganyika.

L’indépendance de Zanzibar et Pemba est obtenue le 10 décembre 1963. Le nouvel État commence par être contrôlé par les partis initiés par les Britanniques (une coalition du ZNP et de petits partis de Pemba). Mais, à peine un mois plus tard, en janvier 1964, les tensions communautaires qui couvent depuis des années se libèrent et le parti ASP (Afro-Shirazi Party), étant écarté depuis longtemps du pouvoir alors qu’il est majoritaire dans les urnes, déclenche une révolution. Celle-ci fait de nombreuses victimes dans les rangs des communautés arabes et indiennes. On estime à environ 10 000 le nombre de personnes qui furent massacrées dans la nuit du 11 au 12 janvier 1964 à Zanzibar. À la suite de ce renversement, Sheikh Abeid Karume, chef de l’ASP, devient président de la République de Zanzibar.

Le 26 avril 1964, le Tanganyika et Zanzibar fusionnent pour former la République unie de Tanzanie. Nyerere devient le président de l’État nouvellement créé, tandis qu'Abeid Karume, restant président de Zanzibar, devient le vice-président de la Tanzanie. Dans les faits, même si l’union est bien célébrée avec le reste du pays, Zanzibar a conservé jusqu'à aujourd’hui une large autonomie. En pratique, c’est le gouvernement central tanzanien qui s’occupe des domaines « nationaux » de la politique à Zanzibar : Défense, Intérieur, Affaires étrangères, tandis que le gouvernement local zanzibarite traite des sujets comme l’éducation ou l’économie.

Le régime de Nyerere : 1964-1985

Soucieux d’accélérer l’émancipation des Africains par rapport au monde occidental, inspiré des expériences communistes en Chine, Nyerere s’engage résolument dans une politique socialiste. En février 1967, lors de la déclaration d'Arusha, il définit les principes et doctrines qu’il souhaite voir suivre par le pays. Selon l’idéal de Nyerere, le socialisme africain doit conduire à la création d’une société égalitaire, juste, solidaire, qui trouve dans ses propres ressources les moyens de son autosuffisance. L’éducation est la priorité numéro un. Il faut dire qu’il y a urgence dans ce domaine : la Tanzanie ne produit à cette époque que 120 diplômés par an.

Les premières mesures concrètes d’application de cette politique ne tardent pas à arriver. Les principales industries et sociétés de services sont nationalisées, les impôts augmentés pour une plus grande répartition des richesses et les discriminations raciales abolies. C’est sur le plan de l’agriculture, principal secteur économique du pays, que les changements sont les plus forts. Appelé Ujamaas, c’est-à-dire cofraternité, des communautés villageoises sont organisées sur des principes collectivistes. Des incitations financières encouragent la formation de coopératives. En octobre 1969, Bibi Titi Mohammed et l'ex-ministre Michael Kamaliza sont arrêtés avec quatre officiers de l'armée. Ils sont accusés d'avoir fomenté un coup d'État. À Zanzibar, l’Afro-Shirazi Party mène une politique autoritaire, à tendance ouvertement révolutionnaire. Les propriétés arabes et indiennes sont nationalisées. Quelques désaccords apparaissent même entre Nyerere et Karume, ce dernier voulant se rapprocher davantage du monde communiste que le président tanzanien qui cherche, lui, à ménager au maximum les relations avec les Occidentaux. En 1972, Karume est assassiné par des opposants au régime. Des obsèques nationales lui sont rendues, en présence de Julius Nyerere.

En politique extérieure, la Tanzanie donne son appui à la guérilla lumumbiste au Congo et l'OUA établit son siège à Dar es Salaam et plusieurs mouvements révolutionnaires ont une représentation dans le pays (l'ANC, la ZANU, la SWAPO, le MPLA et le FRELIMO). Parallèlement, les relations se détériorent avec les pays occidentaux ; en 1965 la Tanzanie rompt ses relations avec le Royaume-Uni et expulse hors du pays les troupes britanniques en réaction au soutien de Londres à un régime ségrégationniste en Rhodésie, tandis que l’Allemagne de l'Ouest rompt ses propres relations avec la Tanzanie suite à l'ouverture dans le pays d'une ambassade de l’Allemagne de l'Est. Les aides économiques accordées par certains pays occidentaux sont coupées. D'autre part, les forces coloniales portugaises bombardent le sud du pays pour couper les voies d’approvisionnement du FRELIMO mozambicain, soutenu par le gouvernement de Julius Nyerere.

Pendant ces années, la Tanzanie reçoit l’aide de la Chine, bien qu'étant elle-même en voie de développement. C’est avec un soutien chinois que la ligne de chemin de fer TAZARA de Dar-es-Salaam à la Zambie est construite en 1975. C’est aussi sur le modèle des communes chinoises que sont créés 800 villages collectifs, regroupant des populations d’origine ethniques et tribales différentes, et déplacées de force en camion. On estime qu’en 4 ans, de 1973 à 1976, 9 millions de personnes sont ainsi déplacées. Cette politique, si elle permet un certain brassage entre les différentes ethnies qui composent la population tanzanienne, casse brutalement les repères humains et communautaires des individus.

Ces politiques dirigistes et utopiques apportent de moins en moins les résultats escomptés. Le premier choc pétrolier de 1973 assombrit fortement les perspectives économiques du pays. Les productions manufacturière et agricole régressent, la planification de l’économie par l’administration est inefficace. Sur le plan politique, les partis TANU de Nyerere et l’ASP se rapprochent et fusionnent en 1977 pour former le Chama cha Mapinduzi (CCM), c’est-à-dire le parti de la Révolution. Malgré les difficultés économiques, le pays est en paix et reçoit de nombreux réfugiés venus des pays voisins en guerre ou fuyant le régime d'Amin Dada en Ouganda. Nyerere refuse que la politique d'africanisation de l’administration favorise les seuls Tanzaniens et autorise l'accès aux empois publics aux étrangers. Beaucoup obtiennent également la nationalité tanzanienne, y compris des réfugiés blancs.

Les relations de la Tanzanie avec ses voisins africains, en particulier ceux du nord, Ouganda et Kenya, se détériorent au fil des années. Les intentions étaient pourtant bonnes puisque ces trois pays ont formé en 1967 l'East Africain Community (Communauté d'Afrique de l'Est) dans le but de constituer à terme un marché économique commun. Les premières coopérations visent notamment à uniformiser la politique des changes et de contrôle des devises. Mais le Kenya, proche des pays occidentaux, s’éloigne de plus en plus de la Tanzanie soutenue par les communistes chinois, et la frontière entre ces deux pays est même fermée de 1977 à 1983. En Ouganda, le dirigeant Idi Amin Dada, qui nourrit des ambitions d’expansions territoriales, reproche à son voisin tanzanien d’héberger des opposants à son régime. L’Ouganda attaque la Tanzanie à la fin de l’année 1978, et envahit les environs du lac Victoria. Les Tanzaniens, avec l’aide du matériel militaire chinois, parviennent, au bout de plusieurs mois d’efforts et au prix de lourdes pertes humaines, à reprendre les territoires perdus et occupent même l’Ouganda pendant presque deux ans.

La guerre a coûté cher, environ 500 millions de dollars, et au début des années 1980, sans réelle industrie, avec un secteur agricole improductif, la Tanzanie est l’un des pays les plus pauvres de la planète. Le pays s’enfonçant dans l’échec, Nyerere commence à modifier progressivement sa politique dirigiste menée depuis le milieu des années 1960. Avec l’intervention de plus en plus grande de la Banque mondiale et du FMI, les incitations financières à la production collectiviste sont en partie réorientées vers un investissement pour les grandes fermes de l’État et pour les infrastructures routières. En 1984, la possibilité d’une propriété privée des moyens de production apparaît et la société est, très progressivement, libéralisée.

De 1985 à aujourd’hui

En 1985, Nyerere, le « mwalimu » (l’instituteur), choisit, contrairement à l’habitude prise par la plupart des autres chefs d’État africains, de se retirer de la politique, après avoir tout de même conservé le pouvoir pendant 24 années. C’est Ali Hassan Mwinyi, alors président depuis 1980 de l’archipel de Zanzibar, qui prend sa succession. Malgré les résultats très largement négatifs de sa politique de développement économique, Nyerere conserva jusqu’à sa mort en 1999 l’estime de beaucoup de Tanzaniens et d’une partie de la communauté internationale. On lui reconnaît en effet le mérite d’avoir posé les bases d’un État démocratique pluriethnique.

Ali Hassan Mwinyi accélère l’ouverture et la libéralisation progressive du pays. En 1992, il autorise le multipartisme. En 1995, les premières élections multipartites ont lieu, même si entachées de sérieux doutes sur leur régularité. Elles voient la victoire de Benjamin William Mkapa, un des disciples de Nyerere, qui est réélu en 2000. Mkapa doit faire face à de nombreuses difficultés qui grèvent le décollage tant espéré du pays : crise économique, épidémie de sida, afflux de réfugiés qui fuient les guerres du Burundi.

À Zanzibar, des velléités indépendantistes émergent parfois, mais jusqu’à présent, l’Union tanzanienne est préservée.

En 1998, des attentats visent les ambassades américaines de Dar es-Salaam et de Nairobi au Kenya : on compte plus de 250 victimes et 5 000 blessés.

Après les élections de décembre 2005, Jakaya Kikwete devient le nouveau président de la République, le quatrième depuis la création de la Tanzanie. John Magufuli lui succède le 5 novembre 2015 et devient ainsi le cinquième président de la République de Tanzanie.

Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Tanzanie